His Lordship – Bored Animal

Après leur premier album éponyme très salué de 2024, James Walbourne et Kris Sonne, qui forment depuis quelques années déjà The Pretenders aux côtés de Chrissy Hynde, reviennent avec ‘Bored Animal’, un album qui prouve que le garage rock est bel et bien vivant. Walbourne, connu pour sa carrière de dix-huit ans comme guitariste principal chez The Pretenders, montre ici son autre visage : brut, non poli et entièrement dévoué à la puissance primitive du rock ‘n’ roll. Le duo s’est formé pendant le confinement comme exutoire à la frustration et à l’ennui – des émotions parfaitement reflétées dans cette explosion musicale de 38 minutes.

‘Bored Animal’ est volontairement dépouillé de toutes fioritures. Pas d’harmonies, pas d’influences rockabilly, pas de morceaux de plus de quatre minutes, seulement du garage rock pur et non dilué. Enregistré en seulement deux semaines dans le studio d’Edwyn Collins dans les Highlands écossais et mixé par David Wrench (Blur, Manic Street Preachers), l’album sonne comme s’il avait été capturé à travers un peigne en acier, un ticket de pari déchiré et une boîte de cacahuètes graisseuse. Cette approche lo-fi n’est cependant pas un manque de savoir-faire, mais un choix délibéré qui renforce l’énergie brute.

Le travail de guitare de Walbourne varie entre des riffs psychobilly tranchants et des attaques punk déformées, tandis que le jeu de batterie de Sonne reste primaire et direct. Le duo laisse volontairement subsister les ‘erreurs’, car c’est là que réside la magie selon eux. Leur son évoque The White Stripes sous speed, Johnny Thunders dans une cave délabrée, ou The Jim Jones Revue dans un seau pas très propre.

Le titre éponyme ‘Bored Animal’ ouvre l’album avec des guitares qui grésillent et un tempo effréné qui donne le ton pour ce qui suit. ‘I Fly Planes Into Hurricanes’ est ensuite un point culminant explosif, un hommage à l’alpiniste canadien Marc-André Leclerc qui a perdu la vie en pratiquant sa passion. Le morceau pulse d’un désir de libération et d’accomplissement de soi. ‘Johnny Got No Beef’ apporte une approche plus mélodieuse sans perdre en intensité, tandis qu”Old Romantic’ nous emmène dans un monde souterrain sombre où le protagoniste ‘fuit un policier, pisse dans une cabine téléphonique et vole une bouteille de lait au laitier’. Les paroles sont intelligemment formulées et ajoutent des couches constamment changeantes à la musique apparemment simple.

Le morceau instrumental de clôture ‘Gin and Fog’ forme un contraste parfait avec le reste de l’album. Avec ses tonalités de guitare décontractées et sa batterie jouée aux balais, il crée l’atmosphère d’un détective de film noir qui réfléchit à sa dernière affaire dans un speakeasy, une pause bienvenue après l’intensité des dix morceaux précédents.

Bien que l’approche minimaliste de His Lordship fonctionne en grande partie, la production volontairement brute peut parfois masquer à quel point les deux musiciens sont vraiment habiles. L’expérience de dix-huit ans de Walbourne chez The Pretenders transparaît surtout dans des moments subtils, mais la surdose d’énergie constante laisse peu de place à la nuance. Certains auditeurs regretteront peut-être plus de variation dans le tempo et la dynamique, bien que ce ne soit manifestement pas l’intention du groupe. De plus, la courte durée de 38 minutes peut donner l’impression que vous commencez tout juste à rentrer dans le rythme quand l’album est déjà terminé, bien que cela s’accorde parfaitement avec la philosophie du rock ‘n’ roll du ‘leave them wanting more’. Pas un album donc pour les personnes souffrant de TDAH.

‘Bored Animal’ réussit à tenir la promesse du rock ‘n’ roll primitif : des chansons entraînantes qui ne s’éternisent pas et laissent l’auditeur avec un sentiment de confusion, d’excitation et de faim de plus. His Lordship embrasse l’idée que tout est éphémère, donc la meilleure façon de vivre – et de faire de la musique – c’est de saisir le jour et de faire confiance à ses instincts. Ce n’est pas un hommage rétro au passé, mais une explosion naturelle et brute qui prouve que le garage rock peut encore être pertinent et excitant. Pour les amateurs de The Stooges, des premiers White Stripes et de tout autre rock ‘bestial’, c’est un album essentiel qui montre pourquoi certaines musiques fonctionnent mieux quand elles restent non polies et instinctives. Et qui veut ressentir cela doit aller voir le groupe en concert. (8/10) (His Lordship Partnership Ltd.)