Yellowjackets – Fasten Up

Dans le paysage jazz contemporain, où les frontières s’estompent et les traditions sont reconsidérées, une voix familière s’élève avec une force renouvelée. Yellowjackets, la formation légendaire qui façonne le monde de la fusion depuis des décennies, revient avec ‘Fasten Up’ – un album qui non seulement s’appuie sur leur riche héritage, mais le recalibre également pour une nouvelle ère.

Deux ans après le très acclamé ‘Parallel Motion’, Russell Ferrante, Bob Mintzer, Will Kennedy et Dane Alderson ont créé une œuvre qui regarde à la fois vers le passé et vers l’avenir. Le morceau d’ouverture ‘Comin’ Home Baby’ est une manifestation magistrale de ce qui rend ce groupe si spécial : des mélodies trompeusement simples qui se déploient en tapisseries sonores raffinées, portées par le jeu de piano génial de Ferrante et un solo élégant et réfléchi qui expose l’artisanat de véritables musiciens.

Le titre éponyme ‘Fasten Up’, une composition du bassiste Dane Alderson, est un tour de force rythmique qui permet au batteur Will Kennedy de briller. Ici, le son caractéristique des Yellowjackets est défini par une construction hypnotique entre batterie, basse et claviers qui mènera sans doute à une expérience explosive en live. Il semble que le claviériste Russell Ferrante ait délibérément pris du recul dans la structure de composition pour se concentrer sur le tissage de motifs harmoniques riches et impénétrables qui soutiennent parfaitement les lignes expressives de saxophone de Bob Mintzer.

Mais c’est Dane Alderson qui crée ici un moment de transcendance avec un solo de basse éblouissant qui relègue tous les souvenirs de Jimmy Haslip à l’arrière-plan. Ce passage mérite d’être écouté à plusieurs reprises pour être pleinement compris. ‘Fasten Up’ appartient sans aucun doute au meilleur matériel jamais produit par les Jackets.

Sur ‘The Lion’, les Jackets collaborent avec le talentueux Raul Midón, un chanteur nommé aux Grammy dont le style entrelace jazz, soul, cumbia et flamenco. Bien qu’on aurait pu espérer un solo de guitare de Midón, il fonctionne ici de façon surprenante comme une extension vocale de l’ensemble. Un choix original qui explore les frontières du chant jazz conventionnel.

Dans une interview récente, le bassiste Dane Alderson réfléchit à son processus créatif : “Les impulsions internes semblent être la source principale de créativité tant pour l’exécution que pour la composition. J’aime utiliser des images, parfois je m’entoure de photos de personnes et de lieux de différentes périodes de ma vie quand je travaille sur la musique.” Cette approche introspective résonne dans tout l’album, qui se sent à la fois personnel et universel.

La remarque d’Alderson sur l’équilibre entre tradition jazz et innovation est révélatrice : “Je pense que mes compositions reflètent toute la musique qui m’influence. Heavy metal, électronique, ambient, R&B, rock et pop sont quelques-uns de mes genres préférés, et combiner ces styles avec des éléments de jazz et d’improvisation est vraiment excitant pour moi.” Ces influences diverses sont palpables sur ‘Fasten Up’, où le groupe navigue sans effort entre les genres sans perdre leur son distinctif.

‘Fasten Up’ est plus qu’un retour aux beaux jours de la fusion ; c’est une réinvention, un couronnement renouvelé des Yellowjackets comme rois du genre. C’est un album qui place le groupe à l’avant-garde du jazz contemporain, une position qu’ils ont méritée par une évolution continue et un engagement inébranlable envers l’excellence musicale.

Après des décennies de pérégrinations musicales, y compris un détour éphémère vers des chansons pop chrétiennes qui a déçu les fans, ‘Fasten Up’ rembourse toutes les dettes en suspens. Voici les Yellowjackets à leur meilleur : aventureux, virtuoses et pourtant accessibles. Un chef-d’œuvre qui mérite amplement un 9/10, et un rappel puissant que dans le monde toujours changeant du jazz, certaines voix restent intemporelles. (9/10)

(Mack Avenue Records).