Atomic Blonde

Après une brève exposition où l’on assiste au meurtre d’une personne, “Atomic Blonde” commence par l’image d’une blonde dans un bain rempli de glaçons, filmée dans des couleurs froides et bleues. Cette image est souvent utilisée pour évoquer une forme esthétique d’érotisme par le biais de l’hyper-stylisation. Mais dans “Atomic Blonde”, cette scène ne met pas l’accent sur la séduction, mais plutôt sur le viol. Car la blonde, qui s’avère être Lorraine Broughton (Charlize Theron), est blessée. Un œil au beurre noir, une lèvre fendue, des bleus et un corps plein d’égratignures et d’ecchymoses. Lorraine, un agent du MI-6, se rend à un débriefing. Le directeur de la CIA Emmett Kurzfeld (John Goodman) et le représentant du MI-6 Eric Gray (Toby Jones) la mettent à l’épreuve au sujet de sa dernière mission à Berlin. Par le biais d’un flashback, nous voyons ce qui s’est passé à Berlin en 1989, juste avant la chute du mur. Lorraine est envoyée à Berlin pour contacter son collègue David Perceval (James McAvoy). Ensemble, ils doivent s’emparer d’une liste répertoriant tous les noms des agents doubles qui ont été acheminés vers l’ouest par le régime communiste.

Lorsque cette liste se retrouve entre les mains des parties adverses, la mission de Perceval et Broughton semble avoir échoué jusqu’à ce qu’il s’avère qu’un Allemand de l’Est, connu sous le nom de Spyglass (Eddie Marsan), est prêt à passer à l’Ouest et que, par coïncidence, tous les noms figurant sur cette liste sont stockés dans sa tête (ce qui prouve à quel point il est utile d’avoir une mémoire photographique). Il s’agit maintenant de faire passer la frontière à Spyglass, mais c’est plus facile à dire qu’à faire. En effet, la Stasi et le KGB souhaitent à tout prix conserver cette liste en RDA et sont remarquablement au courant des plans de Broughton et Perceval. Il y a donc quelque part une fuite et Lorraine ne sait plus vraiment à qui elle peut faire confiance.

Atomic Blonde” est l’adaptation cinématographique de la bande dessinée “The Coolest City” et c’est dans ce projet que l’actrice Charlize Theron s’est fait les dents. Il est apparu très vite que “Atomic Blonde” serait un film qui exigerait beaucoup de ses acteurs en termes de physique. Theron est une actrice qui ne recule pas devant ce genre de tâche et s’est soumise à un programme d’entraînement rigoureux. Cela ne l’a pas empêchée de se casser deux dents pendant le tournage. Le réalisateur David Leitch était cascadeur avant d’être réalisateur et cette expérience transparaît clairement dans ce film et, comme nous l’avons dit, il a exigé beaucoup de ses acteurs. En fin de compte, c’est aussi ce qui sera déterminant dans le verdict final.

En effet, “Atomic Blonde” démarre lentement. La structure en flash-back nous fait d’abord sortir de l’histoire et nous oblige, en tant que spectateur, à jouer un rôle assez détaché. Plus tard, il s’avérera que cette structure a sa raison d’être et qu’elle renforce finalement le drame au sein de l’action, car certains éléments se mettent alors en place, mais au début, c’est plutôt déroutant. Et le fait que “Atomic Blonde” alterne intrigue, intrigue et rebondissement surprenant avec une autre intrigue rend le film inutilement complexe et parfois un peu trop arrogamment intelligent. Il est trop évident que l’on veut égarer le spectateur et l’on remarque trop bien que les réalisateurs ne cessent de crier : “Vous n’avez pas compris, n’est-ce pas ?” ou “Vous ne l’avez pas vu venir, n’est-ce pas ?”. L’aspect formel est également tel qu’on a l’impression que l’esthétique n’est là que pour l’esthétique. Les lettres au néon sont omniprésentes pour nous indiquer clairement où et quand nous nous trouvons quelque part, mais ces lettres exigent tellement d’attention que l’on a constamment l’impression de regarder une narration plutôt que d’y être entraîné.

Même le fait que Charlize Theron se promène dans toutes sortes de tenues à la mode et en talons aiguilles semble mettre l’accent sur la forme plutôt que sur le fond. Même une scène lesbienne libre entre elle et Sofia Boutella semble être là pour le plaisir de l’image plutôt que pour apporter le drame ou l’émotion nécessaires. Lors du premier visionnage, la première moitié d'”Atomic Blonde” n’a pas réussi à me charmer, mais maintenant que j’ai revu le film, la plupart de mes réserves ont disparu. En fait, la forme est souvent servile, elle jette du sable dans les yeux, semble à côté de la plaque, ce qui nous place, en tant que spectateurs, dans une position similaire à celle du protagoniste. Comme le lecteur peut le constater, la première moitié d'”Atomic Blonde” ne m’a pas beaucoup plu. J’ai toujours trouvé la seconde moitié fantastique. L’esthétique est toujours présente, mais il s’agit moins d’être beau que d’être déployé pour la dramaturgie. La scène où Lorraine tente de faire passer la frontière à Spyglass et où elle est poursuivie par des gens de l’Est est particulièrement fantastique.

La scène n’est pas seulement excitante, elle est aussi très dure. La chorégraphie des combats vise moins à nous montrer à quel point c’est beau qu’à nous montrer à quel point cela peut être douloureux. Cette douleur est renforcée d’une part par la dureté et la brutalité de la violence, qui se concentre principalement sur la victime, et d’autre part par un excellent travail de caméra. En tant que spectateur, vous avez l’impression que toute cette scène, qui n’en finit pas, a été tournée en une seule prise. Il s’avère que ce n’est pas le cas car, à ma grande surprise, j’ai lu qu’elle était composée de 40 plans différents (je suppose que la poursuite en voiture qui s’ensuit est incluse). La technique CGI a été utilisée ici principalement pour obscurcir les transitions entre les plans.

Quoi qu’il en soit, le résultat reste accablant. C’est une scène que l’on n’oublie pas facilement et il est également inévitable que ceux qui y ont participé ont dû souffrir (Charlize a de la chance que ses blessures se soient limitées à deux dents cassées). Je n’avais jamais vu une chorégraphie de combat aussi épuisante et conflictuelle que dans le premier film indonésien “The Raid”. L’indifférence que j’ai ressentie pendant la première moitié du film a complètement disparu à la fin. Dans l’ensemble, ‘Atomic Blonde’ ne convainc peut-être pas tout à fait (il reste un peu trop inutilement complexe pour moi), mais au niveau de la scène, il a ses moments inoubliables.

Réalisateur : David Leitch.
Acteurs : Charlize Theron, James McAvoy, Eddie Marsan, John Goodman, Toby Jones, James Faulkner, Roland Moller, Sofia Boutella, Bill Skarsgard, Sam Hargrave, Johannes Haukur Johannesson, Til Schweiger, Barbara Sukowa, Attila Arpa, Martin Angerbauer, Lili Gesler, Sara Natasa Szonda, Declan Hannigan, Daniel Hargrave, Daniel Bernhardt.
Note : 7