Sam Vloemans – Bord du Nord II

Seize ans après le ‘Bord du Nord’ original, Sam Vloemans revient à l’un de ses projets les plus chéris, et le résultat est tout simplement envoûtant. ‘Bord du Nord II’ présente douze compositions très personnelles et magnifiquement ‘terrestres’ où le terme ‘cinématographique’ s’applique plus que jamais. Il ne s’agit pas d’une répétition nostalgique, mais d’une réinterprétation mature de la vision originale de Vloemans, inspirée par un séjour à Paris, mais indéniablement enracinée dans le terroir belge. Date de sortie : le 26 septembre prochain.

Le morceau d’ouverture ‘Magic Source Team’ donne immédiatement le ton : accompagnement rythmique au piano de Dominique Vantomme, trompette lyrique de Vloemans, et l’accordéon de Gwen Cresens qui vous emmène comme si vous entriez dans la journée, complètement seul sur un quai du Nieuw Zuid d’Anvers par un matin prometteur mais encore un peu frais. D’une manière ou d’une autre, Vloemans parvient à capturer l’esprit bourguignon, cette tristesse éternelle sur un fond de mélancolie. C’est magistralement observé et encore mieux exécuté.

Ce qui frappe immédiatement, c’est à quel point cet album sonne belge. Pas de manière folklorique, mais dans ce mélange typique de mélancolie et de joie de vivre qui imprègne notre ADN culturel. Sur ’11:11′ , l’accordéon de Cresens réveille l’esprit de Miles Davis dans des couplets sensibles d’une mélodie dorée qui se laisse jouer en haussant les épaules comme si quelque chose d’aussi évident n’avait jamais existé auparavant. C’est une illustration parfaite de la façon dont ces musiciens ne copient pas le jazz, mais le réinterprètent à partir de leur propre contexte culturel.

‘Septuaginta’ est d’une beauté saisissante, comme si une mélodie de gouttes de pluie fraîches et douces tombait sur votre tête et coulait lentement le long de votre cou et de votre colonne vertébrale. Ici, la nouvelle formation montre sa force : là où le projet original cherchait encore son identité, ce quatuor sait exactement où il veut aller. Lara Rosseel, l’une des contrebassistes les plus prometteuses de sa génération, pose avec son jeu organique la fondation parfaite. Son expérience avec des grands noms comme Pierre Van Dormael et Chris Joris s’entend dans chaque note.

Vantomme, connu pour ses collaborations avec Axelle Red et Hindi Zahra, prouve que sa polyvalence s’adapte également parfaitement à ce cadre intime. Son jeu de piano n’est jamais envahissant, toujours au service de l’histoire plus large. Cresens, vétéran d’innombrables projets classiques et jazz, joue avec la sagesse de quelqu’un qui sait quand moins c’est plus.

‘Musette Bonbonne’ sonne plus belge que la musique ne pourra jamais sonner, une bande sonore pour une exposition de Stefan Vanfleteren, l’intro d’un album de Bob et Bobette. Trêve de plaisanterie : Vloemans a le don de faire parler sa musique d’une manière unique dans le paysage jazz contemporain. La musique comme porte-parole d’une vie, représentante d’une nation.

C’est de la musique à laquelle on entend qu’aucun musicien ne quitterait jamais le studio en premier parce qu’il avait autre chose à faire. Chaque composition est faite avec amour et dévouement, chaque arrangement pensé jusque dans les moindres détails. Il n’y a pas de composition faible sur cet album, elles se battent toutes pour le titre de la plus belle.

‘Bord du Nord II’ prouve que le jazz néerlandais et belge a développé une voix autonome, indépendante des modèles américains mais tout aussi précieuse. L’album ouvre votre esprit pour y inventer vos propres pensées et histoires, et si vous écoutez simplement, ces histoires viennent d’elles-mêmes. Un miracle, comme la musique doit l’être. Un chef-d’œuvre. (9/10) (Production indépendante)