Chaque semaine, des dizaines de nouveaux albums arrivent à la rédaction de Maxazine. Bien trop nombreux pour tous les écouter, sans parler de les critiquer. Une critique par jour fait qu’il reste trop d’albums en attente. Et c’est dommage. C’est pourquoi nous publions aujourd’hui un aperçu des albums qui arrivent à la rédaction sous forme de critiques courtes.
Oleksandr Kolosii – Crossed Sounds
Le saxophoniste polono-danois Oleksandr Kolosii livre avec son dernier album une preuve convaincante de sa sonorité plus mature. Après ses albums acclamés ‘Multicolored’ et ‘Paws Up’, Kolosii revient maintenant avec son dernier opus, soutenu par Alex Sipiagin à la trompette, Lorenz Kellhuber au piano, Makar Novikov à la contrebasse et Donald Edwards à la batterie. L’album montre la capacité de Kolosii à mélanger le bebop avec des mélodies d’Europe de l’Est et des rythmes cosmopolites. Son saxophone ténor a un son chaleureux qui honore les grands maîtres du hard bop, mais avec une modernité qui reflète sa formation classique. La collaboration avec le vétéran Sipiagin s’avère particulièrement fructueuse, leurs improvisations à deux voix formant le cœur de diverses compositions. L’approche piano lyrique et percussive de Kellhuber crée l’espace pour le travail solo époustouflant de Kolosii, tandis que Novikov et Edwards forment une section rythmique polyvalente. Bien que certaines transitions expérimentales semblent forcées et que la durée de l’album soit un peu longue, cela reste la déclaration d’un artiste qui a trouvé sa propre voix au sein de la tradition jazz. L’album tient exactement ce que le titre suggère : un croisement d’influences qui aboutit à quelque chose de nouveau et de précieux. (Norman van den Wildenberg) (8/10) (Alta Jazz Records)
Suede – Antidepressants
Après plus de trois décennies, Brett Anderson et ses acolytes prouvent que les dieux de la Britpop sont loin d’avoir dit leur dernier mot. ‘Antidepressants’ sonne comme le travail d’un groupe qui embrasse à la fois la nostalgie et l’avenir, résultant en leur album le plus vital depuis ‘Dog Man Star’. Le titre n’est pas un hasard, c’est un album sur la survie, sur la recherche de lumière dans les ténèbres. La voix d’Anderson a gagné au fil des années une couche supplémentaire de mélancolie qui s’accorde parfaitement avec l’écriture de chansons mature. ‘Disintegrate’ ouvre avec le drame familier de Suede mais sonne plus frais qu’on pourrait l’attendre d’un album de comeback. Le guitariste Richard Oakes, dans le groupe depuis plus de deux décennies maintenant, a trouvé sa propre identité aux côtés de l’héritage de Bernard Butler. Son jeu sur ‘Trance State’ combine la grandeur théâtrale du Suede classique avec de subtiles influences modernes. La production du collaborateur de longue date Ed Buller donne aux chansons l’espace pour respirer sans perdre l’intensité caractéristique. ‘Sweet Kid’ montre le groupe à son plus vulnérable, avec les paroles d’Anderson sur la parentalité et le temps qui passe. C’est un sujet qu’il aborde avec une sensibilité nouvelle, loin de la posture glam d’autrefois. L’album a tendance à tomber parfois dans ses propres clichés. ‘The Silver Engine’ ressemble à une répétition de triomphes antérieurs sans ajouter de nouvelles perspectives. Mais quand tout fonctionne, comme dans l’épique ‘Antidepressants’ lui-même, Suede prouve que leur capacité à transformer la douleur personnelle en moments cathartiques universels reste intacte. (Anton Dupont) (7/10) (BMG)
Curtis Harding – Departures & Arrivals: Adventures Of Captain Curt
Le troubadour soul d’Atlanta Curtis Harding a livré avec son cinquième album une œuvre conceptuelle ambitieuse qui honore ses racines tout en explorant de nouveaux territoires. ‘Departures & Arrivals’ emmène les auditeurs dans un voyage psychédélique à travers différents styles musicaux, tous filtrés par l’esthétique soul rétro irrésistible de Harding. L’album, largement enregistré en live, respire une chaleur organique qui s’accorde parfaitement avec les ambitions narratives de Harding. Le concept du voyage – à la fois physique et spirituel – lui donne l’espace pour expérimenter avec des influences afrobeat sur ‘Lagos Boogie’ et des textures dub-reggae sur ‘Kingston Departure’. La configuration live assure une cohésion qui manque à beaucoup d’albums conceptuels. Chaque morceau s’enchaîne naturellement avec le suivant, soutenu par son groupe habituel qui connaît manifestement les chansons sur le bout des doigts. Les contributions du bassiste MonoNeon sont particulièrement remarquables, son style de jeu mélodique donne même aux soul-workouts les plus lourds une modernité. ‘Sister’s Love’ montre Harding à son plus personnel, tandis que ‘Funky Captain’ le révèle comme l’entertainer qui rend ses concerts live si mémorables. Bien que certains segments conceptuels semblent un peu longs, Harding réussit à créer un album qui fonctionne à la fois dans son ensemble et en parties. (Jan Vranken) (8/10) (Anti Records)
The Hives – The Hives Forever Forevers The Hives
Après une longue absence, les terriers garage-rock suédois reviennent avec un album qui prouve que leur approche directe du rock’n’roll est encore plus pertinente que la plupart des tendances hipster. ‘The Hives Forever Forevers The Hives’ (le titre seul est de la pure arrogance Hives) fait exactement ce qu’on attend : 30 minutes de rock à fond sans excuses. L’ouverture ‘Bogus Operandi’ démarre immédiatement à fond, avec le charisme de frontman irrésistible de Pelle Almqvist et cette attaque twin-guitar caractéristique de Vigilante Carlstroem et Dr. Matt Destruction. La production reste sagement en arrière-plan, c’est de la musique rock qui vit de l’énergie de la performance, pas des artifices de studio. L’album est porté par sa franchise, aucun morceau ne dépasse les quatre minutes, aucun arrangement n’est plus complexe que nécessaire. ‘Stick Up’ est deux minutes et demie d’adrénaline pure, tandis que ‘The Bomb’ montre qu’ils savent encore comment écrire un parfait sing-along de stade. Bien que la formule semble parfois prévisible, c’est exactement le but. À une époque de surproduction et de manipulation digitale, The Hives sonnent comme un vent frais d’une époque où le rock’n’roll était encore dangereux et spontané. Leur timing est parfait – après des années de préciosité indie, leur approche non compliquée semble à nouveau rafraîchissante et moderne. (Jan Vranken) (7/10) (Disque Hives)
David Byrne – Who Is The Sky?
David Byrne, 73 ans, prouve avec Who Is The Sky? que l’âge n’est qu’un chiffre. Son premier album solo depuis American Utopia (2018) est une promenade joyeuse et philosophique à travers la vie moderne, enregistré avec le Ghost Train Orchestra de 15 musiciens. L’album commence avec Everybody Laughs, un traité joyeux sur l’expérience humaine universelle : ‘Tout le monde vit, meurt, rit, pleure’. La curiosité caractéristique de Byrne pour la vie quotidienne transparaît dans des titres comme My Apartment Is My Friend et l’hilarant Moisturizing Thing, où il se demande s’il est possible d’utiliser trop de crème hydratante. Musicalement, Byrne navigue entre pop accessible et expérimentations avant-garde. Hayley Williams (Paramore) ajoute sa voix à What Is The Reason For It?, tandis que Tom Skinner de The Smile apporte des percussions africaines. Les arrangements du Ghost Train Orchestra donnent à chaque piste une qualité chaleureuse et cinématographique. The Avant Garde est une pique ludique à sa propre réputation, où il admet aimer le concept mais ne pas vraiment le comprendre. Cette autodérision rend l’album accessible, même quand la musique devient expérimentale. Byrne reste un maître dans l’art de trouver la joie dans le chaos. (Elodie Renard) (9/10) (Matador)