Jan Salden est chargé de cours théorique en image filmique à l’Institut des arts de Maastricht et se concentre sur l’histoire du cinéma et l’analyse cinématographique. Jan est également critique de cinéma pour L1 et conférencier. Grand amateur et connaisseur des films de genre de l’ère hollywoodienne classique, Jan est fasciné, entre autres, par la polyvalence inhérente au médium qu’est le cinéma. Pour Maxazine, il rédige des critiques de nouveaux films ainsi que des critiques des grands classiques de l’histoire du cinéma.
Dans peu de temps, je vois pour la deuxième fois ‘Fitzcarraldo’ (1982) de Werner’s Herzog, mais cette fois (pour la première fois) sur grand écran. Même si cela ne va pas changer grand-chose à ma première critique de ce film (voir 196) néanmoins quelques observations et réflexions que je n’ai pas incluses dans la première critique.
Jan Salden est chargé de cours théorique en image filmique à l’Institut des arts de Maastricht et se concentre sur l’histoire du cinéma et l’analyse cinématographique. Jan est également critique de cinéma pour L1 et conférencier. Grand amateur et connaisseur des films de genre de l’ère hollywoodienne classique, Jan est fasciné, entre autres, par la polyvalence inhérente au médium qu’est le cinéma. Pour Maxazine, il rédige des critiques de nouveaux films ainsi que des critiques des grands classiques de l’histoire du cinéma.
Dans peu de temps, je vois pour la deuxième fois ‘Fitzcarraldo’ (1982) de Werner’s Herzog, mais cette fois (pour la première fois) sur grand écran. Même si cela ne va pas changer grand-chose à ma première critique de ce film (voir 196) néanmoins quelques observations et réflexions que je n’ai pas incluses dans la première critique
Tout d’abord, il est important de voir ce film sur grand écran. Cela change l’expérience. Fitzcarraldo a été réédité en version restaurée par l’Eye Institute et malgré le fait que la qualité, surtout lorsqu’on est assis près de l’écran, est un peu granuleuse, le film est maintenant plus intense. Les couleurs, en particulier le vert de la jungle, semblent plus profondes et certains détails ressortent beaucoup plus clairement. En regardant le Blu-ray, je n’avais pas remarqué le nombre d’insectes qui rampent ou volent dans l’image. Coléoptères, mouches, papillons de nuit, ils passent tous et grâce à l’image plus grande, tu le remarques en tant que spectateur. Tant de chatouilles, tant de possibilités de piqûres ou de morsures ne font que rendre le voyage dans la jungle encore plus torturant.
Mais la taille de l’image a également un autre effet sur l’expérience visuelle. C’est le réalisateur Frank Capra qui a fait remarquer dans son autobiographie “The Name Above the Title” que l’agrandissement entraîne un ralentissement, ou pour le dire juste un peu plus précisément, l’agrandissement donne l’impression qu’un film est plus lent. C’est certainement le cas avec “Fitzcarraldo”. Et ce n’est pas du tout un inconvénient ici, c’est plutôt le contraire. Le labeur, le traînage, la lutte, tout cela prend plus de temps, tout cela demande plus d’efforts, et avec cela, l’accomplissement final devient un acte encore plus grand.
Et là, je me demande rétrospectivement pourquoi j’ai prêté si peu d’attention à la fonction de la musique. Oui, j’ai qualifié d’obsessionnelle l’admiration de Fitzcarraldo pour le chanteur Caruso et la musique d’opéra, et c’est tout à fait vrai, mais la fonction de cette musique va bien au-delà de la simple signification du caractère du protagoniste. La musique est à la fois un bâtisseur de ponts et un créateur de conflits, elle offre du réconfort et de l’inspiration, elle est le moteur des actions et des moments d’immobilité. C’est le spectacle d’opéra qui oblige Fitzcarraldo et Molly à faire un long et pénible voyage en canoë pour y assister. L’opéra s’avère être une source de rapprochement lorsque nous constatons que le simple fait de jouer le disque de Caruso crée un lien entre les enfants autochtones et Fitzcarraldo.
Elle est source de conflit lorsque Fitzcarraldo joue la musique pour les barons du caoutchouc et qu’ils discutent à ce sujet. C’est un pacificateur qui, alors que le bateau remonte le fleuve et que le tambour menaçant des Indiens qui veulent en découdre s’éteint soudain lorsque notre “héros” joue cette musique. Dans les moments de bonheur intense, comme le premier mouvement du bateau sur la rampe, ce bonheur doit être amplifié par l’interprétation de cette musique. Et c’est cette musique et sa montée en puissance qui nous font croire à la fin, comme au personnage de Fitzcarraldo, que nous assistons à une victoire. Fitzcarraldo ne parvient peut-être pas à construire un opéra dans la jungle, mais il amène pour une fois une compagnie d’opéra dans la jungle. Mais si nous assistons à une victoire tout court, il s’agit d’une victoire à la Pyrrhus. Fitzcarraldo a pu y parvenir en y mettant ses dernières richesses et il est maintenant définitivement ruiné financièrement.
En fait, c’est vrai mais Herzog accentue les sentiments de Fitzcarraldo précisément par la performance musicale et cela suffit pour le moment. Un conquistador de l’inutile, c’est ainsi que l’on peut voir Fitzcarraldo (je ne me souviens plus si Fitzcarraldo lui-même l’a dit dans le film ou si Herzog l’a dit à propos du personnage) et c’est peut-être aussi l’essence de ‘Fitzcarraldo’ Il peut y avoir un haut degré de grandeur et de triomphe précisément dans l’échec. Une observation qui est à la fois réconfortante et défaitiste.
Il y a donc beaucoup de choses à apprécier dans ‘Fitzcarraldo’, surtout lorsqu’on le voit sur grand écran. Mais je ne comprends pas pourquoi l’Eye Institute a opté pour une version internationale (c’est-à-dire en anglais) au lieu de la version allemande. Comme pour AGUIRRE, DER ZORN GOTTES, ce doublage anglais est très maladroitement placé sur l’acte, et cela a bien enlevé quelque chose au plaisir du visionnage.
Réalisateur : Werner Herzog.
Acteurs : Klaus Kinski, Claudia Cardinale, Jose Lewgoy, Miguel Angel Fuentes, Paul Hittscher, Huerequeque Enrique Bohorquez, Grande Otelo, Peter Berling, David Perez Espinosa, Milton Nascimento, Ruy Polanah, Salvador Godinez, Dieter Milz, William Bill Rose, Leoncio Bueno.
Note : 7.5.