Dimanche était déjà le jour de clôture du festival international Jazz à Liège, qui cette année, après plus de 30 ans, a encore prouvé qu’il était l’un des meilleurs festivals de la très vaste région. En termes de programmation, il est tantôt aventureux et expérimental, tantôt adossé à des noms anciens et établis. Le festival Jazz à Liège est une aventure, exactement comme on veut qu’un festival soit.
Le dimanche de clôture, j’ai assisté à deux concerts. D’abord à l’ancien théâtre du Trocadéro pour un concert du pianiste Yaron Herman. Yaron, originaire d’Israël, travaille depuis la France depuis quelques années. Herman est même comparé par certains à Keith Jarrett.
Yaron Herman est un musicien dans toutes les fibres de son corps. Il improvise, et ses albums sont également aventureux, jamais ennuyeux, et font preuve d’une musicalité particulièrement grande. Yaron interprète la musique folklorique, mais il n’hésite pas non plus à faire ses propres arrangements de chansons d’artistes tels que Britney Spears, dont il a réenregistré le tube ‘ Toxic’. Il l’a également fait avec des chansons de The Police et de Leonard Cohen.
Le théâtre du Trocadéro était bien rempli lorsque Yaron est monté sur scène un peu après 19 heures et a pris place derrière le piano à queue. Zéro star power avec le musicien vêtu de simples vêtements de ville. Pendant un bref instant, on a vu la concentration prendre possession de lui avant qu’il ne se mette à jouer comme sorti de nulle part. De la belle musique créée sur place . Puis la musique a touché à une construction de type sonate, avant de retomber dans une musique minimale sans aucune transition. De bon goût et régulièrement surprenant. Tes oreilles se sont réveillées, et le public s’est assis et a fait attention.
Au bout d’une demi-heure, Herman s’est brièvement adressé au public. La musique de ce soir est née sur place, même si Yaron a avoué s’être inspiré de chansons folkloriques de son enfance en Israël et, plus tard, d’une prière qu’il connaissait encore de sa mère. Herman a joué pendant plus d’une heure et le concert n’a pas ennuyé une seconde. Engageant et léger, parfois réfléchi, l’homme s’est clairement donné à fond. Vous ne l’avez pas seulement entendu dans sa musique, vous l’avez vu dans son langage corporel derrière le piano à queue. Il montait et descendait de la pointe à son tabouret de piano, le dos bien droit, les avant-bras tendus, puis cherchait à nouveau la détente dans son dos lorsque ses mains avaient besoin de jouer plus légèrement. C’est fascinant à voir et à entendre.
Malheureusement, il n’a pas été possible d’écouter le concert jusqu’au bout, car la programmation du grand concert final de la Canadienne Diana Krall et de son groupe m’attendait.
Krall jouait au magnifique Le Forum, deux rues plus loin. Non seulement elle était la star de renommée mondiale choisie pour clôturer le festival ici, sur la scène du Forum, mais sa prestation était aussi spécifiquement destinée à marquer la fin de l’année au cours de laquelle le Forum a célébré son exact centenaire.
Krall a joué avec un petit groupe. Basse, guitare et batterie, pour l’accompagner au piano et au chant. Le Forum a affiché complet jusqu’à la dernière place. Ce qui a marqué les esprits, c’est le grand nombre de photographes amateurs qui voulaient prendre une photo avec leur vieux smartphone pour la première fois depuis toujours. Furieux étaient les flashs qui s’allumaient tout au long du concert. Irritantes, et aucune photo n’aura été réussie. Krall est restée très calme sous leur effet. C’était exactement la teneur de sa performance. Elle est en effet restée très calme malgré tout. La performance n’a pas eu de montée en puissance, pas de tension et peu d’inspiration. Il était évident que les musiciens étaient un peu fatigués à la fin de leur tournée de six semaines, et la Krall elle-même n’avait même pas soigné sa coiffure selon ses propres critères, elle était assise derrière son piano et s’ennuyait un peu, et le concert s’est achevé sur une routine.
Krall a à peine établi le contact avec le public, et si elle a dit quelque chose, c’était pendant les applaudissements. De temps en temps, elle présentait le groupe. À un moment donné, le spectacle est même devenu silencieux. Krall a dit qu’elle ne savait pas quoi jouer ensuite. Sérieusement ! Heureusement que l’aide est venue du public, sinon nous aurions peut-être dû attendre là dix minutes de plus pour trouver l’inspiration… Oui, bien sûr, elle a joué de belles chansons comme ( I’ve got you ) Under my Skin et , Let’s Fall in Love’ de Fitzgerald, mais elle n’a pas atteint le niveau auquel Krall nous a habitués, loin s’en faut. Ces petites attentions ont semblé échapper à une grande partie du public, qui a applaudi à tout rompre.
Jazz à Liège n’aurait pas pu faire mieux. On n’engage pas Krall pour un tel spectacle. Il faudra attendre un certain temps avant qu’on lui demande de revenir.