Dans le paysage actuel du hip-hop, où la crédibilité de rue authentique devient de plus en plus rare, le vétéran de la Bay Area, Berner, présente son dernier opus ‘Hoffa’. Héritier du son légendaire de Fillmore et protégé de l’école Too $hort, il livre un album qui poursuit son exploration de l’histoire de la mafia américaine. Comme son prédécesseur ‘Gotti’ de 2021, Berner parvient à entrelacer le monde obscur du crime organisé avec ses propres expériences en tant que magnat du cannabis.
L’architecture de la production, des paroles et de l’ambiance représente une fusion magistrale de différents éléments de la West Coast. Des 808’s inspirés du G-funk aux samples jazzy qui semblent sortir tout droit du catalogue de Mac Dre. Le morceau d’ouverture ‘Sweat’ donne immédiatement le ton avec son ADN traditionnel de la Yay Area, incluant cette basse caractéristique dont la région détient le brevet depuis la percée de MC Hammer. ‘Remember’ retravaille les samples soul d’une manière qu’apprécieraient tant DJ Quik que DJ Premier.
L’album atteint son apogée lorsque Berner exploite au mieux sa liste d’invités de prestige. ‘The Source’, avec les lieutenants du Wu-Tang Ghostface Killah et Raekwon plus Killer Mike de Run The Jewels, est un monstre de posse cut qui rappelle le meilleur travail d’Ice Cube avec le Lench Mob. La production soul chipmunk, directement issue de l’école RZA, renforce cette ambiance mobb. La collaboration avec Forty Water (Too $hort) sur ‘The Smoke’ est un véritable hymne Town Business, où le slapp signature d’Ant Banks démontre pourquoi il reste depuis trois décennies l’architecte sonore de tous les morceaux importants sortis de la Bay.
Alors que beaucoup de trappeurs modernes limitent leurs références mobb à des citations superficielles de Scarface, Berner tisse un récit complexe entre ses business légitimes et la politique de rue. Jimmy Hoffa – le leader syndical disparu – sert de métaphore pour la fine ligne entre pouvoir et paranoïa, un thème profondément enraciné dans le hip-hop West Coast depuis “Dopeman” de N.W.A. Naturellement, il y a une connexion car Berner, contrairement à de nombreux prétendants, peut véritablement citer ses expériences professionnelles passées.
L’hymne au cannabis ‘Lots of Green’ avec Wiz Khalifa, B-Real et Devin the Dude est un tour d’honneur parfait pour un homme qui a transformé son jeu de dealer de rue en couverture Forbes – une trajectoire qui dépasse même le manuel légendaire du hustler d’E-40 “Revenue Retrievin'”. L’homme est recensé avec une fortune de plus de 400 millions de présidents morts, un fait incontestable. Il est authentique.
L’évolution de Berner, d’entrepreneur de quartier à patron de conseil d’administration, résonne à travers tout l’album, ses couplets imprégnés d’une sagesse rappelant les meilleurs power moves d’Ice-T. Contrairement à beaucoup d’albums de rap mafieux, son histoire sonne authentique – probablement parce que son succès légitime ne fait que renforcer sa crédibilité de rue. Berner reste, aujourd’hui encore, une valeur sûre, là où d’autres tentent de rapper leurs rêves, cet homme a tout simplement tout réussi.
‘Hoffa’ est une suite digne de ‘Gotti’ qui emmène l’auditeur dans un film noir de mythologie mafieuse moderne, où la réalité de Berner s’avère parfois plus palpitante que la fiction. C’est un album qui gagne en profondeur à chaque écoute, avec une sélection de producteurs et une curation des featuring (généralement) excellentes. Un must pour les amateurs tant de la classic mobb music que du hip-hop West Coast moderne. Les morceaux essentiels sont ‘The Source’, ‘Heavy’, ‘Egsy’ et le titre ‘Hoffa’, qui méritent d’être mis en répétition pour le moment. (8/10)(Bern One Entertainment)