#Support Rokia Traore – Various Artists

Au milieu des turbulences juridiques, un témoignage musical demande notre attention. Cette semaine, la libération de l’artiste malienne Rokia Traoré d’une prison bruxelloise coïncide presque avec la sortie d’un album compilation qui dénonce son emprisonnement. Le timing, comme souvent dans l’industrie musicale, n’est pas un hasard mais une danse soigneusement orchestrée entre l’art et le commerce.

Youssou N’Dour clôt l’album avec ‘Pour Toujours’, un avant-goût de sa sortie prévue pour février. Là où nous espérions entendre du mbalax enflammé, N’Dour opte pour un son pop plus accessible. Bien que le morceau connaisse du succès au Sénégal, il manque de la tension et de l’énergie qui caractérisent habituellement son travail. La tournée européenne annoncée promet cependant plus d’éléments traditionnels, une pensée réconfortante pour les puristes parmi ses suiveurs.

‘Boulene Deme’ d’Orchestra Baobab marque un moment important dans leur riche histoire avec l’introduction de la chanteuse Korka Dieng. Sa voix ajoute une nouvelle dimension au son intemporel de cette formation légendaire, qui continue de mêler sans effort les rythmes cubains aux mélodies sénégalaises, tel un pont musical au-dessus de l’Atlantique.

Une perle inattendue est ‘Call My Name’ de Daara J Family. Le duo de hip-hop sénégalais prouve une fois de plus qu’il reste la force motrice derrière le hip-hop ouest-africain, avec les vocaux envoûtants de Faada Freddy qui dominent. L’évolution de Ndongo D vers la production est fascinante, mais ses passages sporadiques en wolof élèvent le morceau à un niveau supérieur – un rappel que leur langue maternelle reste leur plus grand atout. Leur album tant attendu est prévu pour le printemps 2025.

Le timing de la contribution de Keziah Jones, ‘Cat and Mouse’, révèle la pensée stratégique derrière cette compilation – son nouvel album est sorti vendredi dernier. Son groove décontracté unit sans effort l’esprit d’Hendrix à l’urgence politique de Fela Kuti, résultant en une fusion hypnotique d’afrobeat et de rock psychédélique.

Cette compilation sert sans doute aussi d’aperçu du calendrier ambitieux de sorties de Madoky pour 2025, où l’opportunisme du timing ne peut être nié. Le label se positionne de plus en plus comme curateur de la musique africaine contemporaine, avec des sorties annoncées entre autres de Marcia et Daby Touré, chacun avec leur propre interprétation unique de la riche tradition musicale ouest-africaine.

C’est plus qu’une déclaration de solidarité – c’est un instantané d’une culture musicale en constante évolution, emballé dans une sortie commercialement bien chronométrée. Que la perspective reste limitée au roster de Madoky ne diminue que peu sa valeur en tant que document temporel. La conclusion amère de cette histoire est que l’Europe perdra probablement l’une de ses voix les plus intrigantes maintenant que Traoré, une fois libérée, ne reviendra probablement pas sur le sol européen, ne voulant pas risquer un second emprisonnement. Une perte qui va au-delà de la tragédie personnelle qui la sous-tend, mais la musique sur cette compilation prouve que le dialogue culturel entre l’Afrique et l’Europe est loin d’être terminé. (7/10)(Madoky).