Lorsque j’ai appris qu’un nouvel album de ‘Sparks’ allait sortir et qu’on me demandait d’en faire la critique, la première chose que j’ai faite fut de plonger dans ma collection de disques pour réécouter leur album iconique de 1974, ‘Propaganda’. La tension entre le falsetto théâtral de Russell Mael et les acrobaties au clavier de son frère Ron était déjà aussi fascinante que déstabilisante, une tension qui constitue encore l’essence de leur 28ème album studio ‘MAD!’.
Les frères Mael ont créé de la musique à travers sept décennies, explorant des genres allant de l’Art-Glam à la synthpop. Leur influence s’étend sur des générations d’artistes, de Joy Division à Björk. Là où d’autres groupes, après une si longue carrière, se replient sur leurs anciens succès, les Mael restent résolument progressistes. Comme sur ‘Propaganda’, Ron et Russell explorent sur “MAD!” les singularités de notre société, mais désormais orientées vers des phénomènes contemporains tels que les sacs à dos de marque et l’émergence des influenceurs. La satire n’est jamais trop directe, conservant suffisamment d’ambiguïté pour permettre une interprétation personnelle.
‘Hit Me Baby’ est un véritable coup de maître – un morceau qui vous saisit dès les premières notes et ne vous lâche plus. L’intensité rythmique forme une toile parfaite pour le falsetto céleste de Russell. Tout comme sur ‘Thanks But No Thanks’ de ‘Propaganda’, les Mael trouvent un équilibre délicat entre accessibilité mélodique et expérimentations avant-gardistes. Dans ‘Don’t Dog It’, une répétition impérieuse au piano ouvre le canal auditif. Les percussions martelantes rappellent la complexité rythmique de ‘Reinforcements’, mais transformée par des décennies d’évolution artistique. Les cordes flottent en arrière-plan comme des souvenirs fantomatiques de leur passé théâtral, tout en dégageant une modernité qui paraît complètement contemporaine. Le morceau d’ouverture ‘Do Things My Own Way’ fonctionne comme un manifeste pour le groupe lui-même – Sparks a toujours suivi sa propre voie. Là où ‘Propaganda’ contenait des perles comme ‘Never Turn Your Back on Mother Earth’, nous trouvons ici des compositions intrigantes comme ‘Running Up A Tab At The Hotel For The Fab’, apparemment inspirée par la parabole moderne d’Anna Delvey.
Musicalement, on trouve des clins d’œil à la New Wave, à la Synthpop et à l’Opéra Électronique – tous des genres que Sparks a contribué à pionner. Le temps semble se plier dans ces morceaux – faisant référence avec nostalgie à leur passé expérimental tout en s’inscrivant parfaitement dans notre vision fragmentée du temps présent. La musique fonctionne comme un dessin léonardesque d’hélicoptère, où passé et présent se rejoignent dans un jeu sonore à la fois familier et novateur.
Avec ‘MAD!’, les frères Mael prouvent à nouveau qu’ils comptent parmi les auteurs-compositeurs les plus inventifs de la musique pop, et que l’âge n’est qu’un chiffre quand il s’agit d’innovation artistique. L’album mérite un solide 8 sur 10 – un ajout essentiel à leur impressionnante discographie et une parfaite introduction pour les nouveaux auditeurs au monde merveilleux de Sparks. (Jan Vranken)(8/10)(Mattan Records).