Chaque semaine, des dizaines de nouveaux albums arrivent à la rédaction de Maxazine. Bien trop nombreux pour tous les écouter, encore moins pour les critiquer. Une critique par jour fait que trop d’albums restent sur l’étagère. Et c’est dommage. C’est pourquoi nous publions aujourd’hui un aperçu des albums qui arrivent à la rédaction sous forme de critiques courtes.
Kaitlyn Fay – Cockeyed Optimist
‘Curiosity’ : c’est avec cela que la chanteuse Kaitlyn Fay a débuté en 2013. Nous avons dû contenir notre curiosité longtemps, car ce n’est que maintenant qu’il est temps pour la suite. Sur ‘Cockeyed Optimist’, l’Américaine livre quatorze chansons, incluant des standards de jazz, du songbook américain et ses propres compositions. Fay est accompagnée par le claviériste David Gleason et le guitariste Wyatt Ambrose : une formation minimaliste et donc des arrangements qui permettent de vraiment mettre l’accent sur le chant. Le morceau-titre est directement une belle entrée en matière et souligne ce que Fay dit d’elle-même : elle a effectivement grandi en tant que chanteuse. Tout est beaucoup plus assuré que sur le début. On l’entend par exemple dans un classique comme ‘In the Wee Small Hours of the Morning’. Peut-elle rivaliser avec la version indestructible d’Ol’ Blue Eyes ? Est-ce important ? Fay la chante superbement, avec retenue, maîtrisée, avec même un petit côté rugueux. Pourtant, nous espérions un peu plus de créations personnelles. Sur les quatorze pistes, seule ‘Worthy’ est écrite par elle-même : une belle chanson qui révèle que Fay est non seulement chanteuse mais aussi une excellente compositrice. Pour ‘The Love in Your Eyes’ et le final ‘Old Time Revival Blues’, elle a collaboré avec Gleason, pour quelques autres chansons elle a écrit de nouveaux textes. Un exemple en est ‘3000 Miles To Go’ de John Clayton jr. et honnêtement : ce morceau est vraiment porté par le jeu de piano de Gleason. Le chant sonne par contre un peu forcé, bien que Fay montre qu’elle possède une tessiture formidable et la technique vocale qui va avec. Excellent disque pour les amateurs de jazz vocal. (Jeroen Mulder)(8/10)(5495716 Records DK)
Nick Drake – The Making of Five Leaves Left (réédition)
Après des années de contrôle strict par sa succession, les fans de Nick Drake obtiennent enfin un aperçu des coulisses de ses débuts légendaires. Ce coffret de quatre disques révèle plus de 30 enregistrements inédits des sessions pour ‘Five Leaves Left’ de 1969, incluant des démos d’étudiant enregistrées dans une chambre d’étudiant de Cambridge et la toute première session de Sound Techniques. La collection montre Drake comme un jeune homme confiant et charmant, loin de l’image mélancolique souvent dépeinte. Sa voix sonne claire et optimiste tandis qu’il donne des instructions sur les arrangements d’orchestre. Les points culminants sont la version nue de ‘Fruit Tree’ avec une intro flamenco et la magnifique démo de ‘Made to Love Magic’ où Drake explique comment une flûte devrait accompagner sa guitare. Le prix est considérable et certains enregistrements semblent fragmentaires, mais cela correspond au caractère expérimental de cette période. Tout comme ‘River Man’ vous emmène dans un voyage onirique, ces démos vous emmènent dans le laboratoire créatif de Drake. Un complément essentiel qui ne fait que renforcer la grandeur de Drake et perce le mythe avec une chaleur humaine et une ambition artistique. Formidable. (Jan Vranken) (9/10) (Island/UMe)
Amaarae – Black Star
La pop star ghanéo-américaine Amaarae lâche tous les freins sur son troisième album, une ode hyperpolissée à la musique de danse de la diaspora noire. ‘Black Star’ – nommé d’après le symbole national du Ghana – est un voyage kaléidoscopique à travers le baile funk, l’amapiano et le ghettotech, parsemé d’apparitions de PinkPantheress et Naomi Campbell. ‘S.M.O.’ ouvre avec une sensualité inspirée du highlife, tandis que ‘Kiss Me Thru The Phone pt.2’ avec PinkPantheress utilise un flip ambient de ‘Thong Song’ de Sisqó pour une romance parasociale. Les voix chuchotées d’Amaarae flottent sur des synthés pétillants et des log drums, créant un monde sonique qui semble à la fois intime et cosmique. La première partie de l’album semble parfois exsangue, malgré la perfection technique. Des morceaux comme ‘Starkilla’ manquent de la chimie ludique qui rendait son travail précédent si captivant. Ce n’est qu’à partir de ‘Girlie-Pop!’ que l’album s’enflamme vraiment. Tout comme FKA twigs dans ‘Two Weeks’ entrelace sexualité et pop avant-gardiste, Amaarae danse à la frontière entre expérimental et mainstream. Un pas audacieux mais inégal vers la superstardom pop. (Elodie Rernard) (7/10) (Interscope Records)
Ada Lea – When I Paint My Masterpiece
Après quatre ans de silence, l’auteure-compositrice-interprète montréalaise Alexandra Levy revient avec un chef-d’œuvre méditatif sur le pouvoir transformateur de l’art. Enregistré dans l’Ontario rural, cet opus de seize morceaux combine folk, indie-rock et éléments expérimentaux dans un paysage sonore organique qui récompense une écoute lente. La spécificité poétique de Levy brille sur des morceaux comme ‘baby blue frigidaire mini fridge’, un inventaire de sa vie quotidienne incluant des références à Paul Celan et Thelonious Monk. Le morceau-titre fait subtilement référence au morceau éponyme de Bob Dylan, mais en fait quelque chose de complètement personnel. Le producteur Luke Temple (connu pour ses productions d’Adrianne Lenker) donne aux chansons une respiration chaleureuse et vivante. Le quatuor central a joué live-off-the-floor sans click track, ce qui résulte en un timing humain naturel. Différentes voix sont explorées – de l’intimité chuchotée de ‘Something in the Wind’ aux harmonies à double couche de ‘Midnight Magic’. Un album qui trouve la beauté dans le quotidien et prouve que la perfection n’a pas besoin d’être le but, le processus est l’art. (Jan Vranken) (8/10) (Saddle Creek Records)
Mal Blum – The Villain
Six ans après ‘Pity Boy’, Mal Blum revient avec une exploration provocante de la moralité, de l’identité et de la perception. ‘The Villain’ utilise l’archétype du méchant comme prisme pour explorer des émotions humaines complexes, informé par la perspective trans-masculine de Blum et une voix dans un registre plus grave après des années de testostérone. La productrice Jessica Boudreaux aide Blum à créer un son qui entrelace indie-rock, alt-rock et pop avec du camp et des paroles acérées. ‘Killer’ joue avec la transphobie en chantant ‘I killed the previous tenant/in my head/or so they said’, tandis que le morceau-titre ‘The Villain’ retourne les projecteurs sur l’auto-examen. ‘Must Get Lonely’ et ‘Gabriel’ montrent la capacité de Blum à rendre universelles des histoires personnelles. ‘Gemini v. Cancer’ est une chanson pop visqueuse et légèrement maniaque qui utilise l’inspiration zodiacale pour du drame relationnel. Tout comme Perfume Genius dans ‘On the Floor’ combine vulnérabilité et force, Blum utilise l’autodérision comme arme contre les préjugés. Un album courageux qui rejette les récits simplistes et embrasse la complexité en des temps polarisés. (Norman van den Wildenberg) (8/10) (Get Better Records)