L’aperçu des nouveaux albums : Lorde, Nick León er plus

Chaque semaine, des dizaines de nouveaux albums arrivent à la rédaction de Maxazine. Beaucoup trop pour tous les écouter, encore moins pour les critiquer. Une critique par jour fait que trop d’albums restent de côté. Et c’est dommage. C’est pourquoi nous publions aujourd’hui un aperçu des albums qui arrivent à la rédaction sous forme de courtes critiques.

Terrace Martin & Kenyon Dixon- Come as you Are

Terrace Martin et Kenyon Dixon, tous deux fils de South Los Angeles, unissent leurs forces pour une odyssée R&B intime qui se déploie comme un hommage affectueux à leurs racines communes. L’album s’ouvre avec ‘Isley’s Hymn’, dans lequel la petite fille de Dixon, Isley-Rose, chante sur l’acceptation de soi, donnant le ton d’un projet qui tourne autour de l’authenticité et des liens familiaux. Martin apporte son expérience de saxophoniste de jazz et de producteur hip-hop, ce qui résulte en une production analogique luxuriante avec une instrumentation live chaleureuse. Dixon livre une finesse vocale enracinée à la fois dans les traditions gospel et la R&B moderne. Leur alchimie est remarquable pour une première collaboration – les morceaux naviguent sans effort entre jazz, R&B et hip-hop sans jamais sonner fragmenté. Les moments forts comme ‘211’ et ‘Circle of Love’ (avec Robert Glasper) montrent leur capacité à renouveler la soul traditionnelle sans perdre l’essence. ‘Love Yourself’ offre un doux rappel que l’amour commence à l’intérieur, tandis que ‘Body & Soul’ évoque des images poétiques de l’amour sous sa forme pure. Bien que certains morceaux perdent un peu de force vers la fin, cette déclaration de 35 minutes réussit à honorer la riche tradition musicale de LA tout en présentant une vision fraîche de la soul contemporaine. (Elodie Renard) (8/10) (Sounds of Crenshaw/Empire)

Lorde – Virgin

Après quatre années de silence, Lorde revient avec son œuvre la plus vulnérable à ce jour. Virgin marque un changement dramatique de cap après le polarisant Solar Power – là où son album précédent flottait dans un repos pastoral, ce nouveau travail bouillonne d’émotion brute et d’énergie urbaine. L’album explore l’identité de genre évolutive de Lorde, les traumatismes familiaux et les conséquences de sa plus longue relation. L’ouverture ‘Hammer’ donne le ton : “Je suis prête à me sentir comme si je n’avais pas toutes les réponses”. Cette nouvelle incertitude, si différente de l’assurance froide de Pure Heroine, forme le noyau émotionnel de l’album. Sur le plan de la production, Lorde retourne au monde sonore électronique de Melodrama, mais de manière plus spartiate et introspective. Des morceaux comme ‘David’ contiennent des pulsions statiques et stroboscopiques qui semblent venir à la fois de l’extérieur et de l’intérieur. ‘Favourite Daughter’ explore le traumatisme générationnel avec des synthés édifiants qui montent de plus en plus haut, tandis que ‘Broken Glass’ est peut-être la meilleure chanson jamais écrite sur les troubles alimentaires. Les notes critiques concernent certaines mélodies qui divaguent trop et certaines paroles qui semblent forcées. Néanmoins, Virgin réussit à capturer la nouvelle phase d’âge adulte de Lorde – brute, transformatrice et pleine de possibilités. (Jan Vranken) (8/10) (Universal Music New Zealand)

S.G. Goodman – By the Signs

S.G. Goodman revient avec un album inspiré par l’ancienne pratique du ‘planting by the signs’ – planifier les activités selon les phases lunaires. Ce troisième album a été créé pendant une période difficile où Goodman a perdu son chien Howard et son mentor Mike Harmon, ce qui donne son œuvre la plus émotionnelle et introspective. L’album combine des patterns de batterie sans hâte avec un travail de guitare, tandis que Goodman lutte avec ses heures les plus sombres de 2023. Son accent caractéristique du Kentucky reste intact, mais les thèmes sont devenus plus profonds. ‘Fire Sign’ s’ouvre puissamment avec des images de fatigue et de quête spirituelle, tandis que ‘Snapping Turtle’ transforme un souvenir d’enfance troublant en quelque chose de touchant. ‘Michael Told Me’ est un hommage brut à Harmon, originellement écrit en 2021 mais transformé en complainte après sa mort. Le morceau-titre, exécuté comme un duo à deux voix avec Matthew Rowan, sonne comme un ancien hymne gospel et appartient aux plus beaux moments. ‘Heaven Song’ de près de neuf minutes teste la patience de certains auditeurs, bien que la narration de Goodman reste debout. Cet album confirme son statut comme l’une des voix les plus importantes de l’Americana contemporaine. (Anton Dupont) (8/10) (Slough Water Records)

Bambii – Infinity Club II

La suite très attendue de Bambii à son EP de 2023 amène la rave dans les hit-parades et vice versa, avec style et excentricité. Cette artiste jamaïcaine-canadienne, née Kirsten Azan, a utilisé ses soirées JERK à Toronto comme tremplin pour une expérience de club globale qui célèbre les sons de la diaspora caribéenne. L’album oscille entre hyperpop-meets-dancehall (‘Thunder’) et jungle et ragga (‘BAD BOY’). L’ouverture ‘Remember’ avec Ravyn Lenae et Scrufizzer saute de l’alt-R&B séduisant vers des breaks solides, tandis que ‘Blue Sky’ est une chanson de plusieurs parties qui va du pop-rap au club déconstructuré. Les contributions vocales propres de Bambii sont plus proéminentes et donnent à l’album un vrai sentiment de qui elle est. Les collaborations avec Jessy Lanza, Yaeji, et Aluna ajoutent de la texture à ses cocktails qui transcendent les genres. ‘Mirror’ est particulièrement inventif et vous fait imaginer un univers où un morceau de Police vient avec des cors d’air et des ad-libs coréens. Les points de critique concernent la courte durée de nombreux morceaux qui commencent tout juste à grandir avant de se terminer. Néanmoins, Infinity Club II prouve que Bambii continue à développer sa vision unique de la culture club mondiale. (Jan Vranken) (7/10) (Bambii)

 

Nick León –  Tropical Entropy

Le fils de Miami Nick León sert un album-concept de musique de danse pour la fin des temps, inspiré par le roman ‘Miami’ de Joan Didion. Cet album de début fait suite à ses hits #1 ‘Xtasis’ et ‘Bikini’ et explore la décadence, la désillusion et la psychédélie sur fond d’une société qui s’effondre. León regarde à travers un sujet au lieu de simplement le décrire, tout comme Didion l’a fait avec la corruption masquée de Miami derrière la façade de paradis tropical. L’album a été en partie inspiré par León qui regardait sa vie personnelle se désintégrer parallèlement à la société moderne, mais ce n’est pas une escapade sombre. León noie les rythmes afro-caribéens et brésiliens dans des effets éthérés, des subbasses et des synthés fragmentés comme s’il regardait le clubland à travers une boule à neige. ‘Ghost Orchid’ avec Ela Minus nage dans une soupe psychédélique, tandis que le sublime ‘Bikini’ avec Erika de Casier canalise la sensation d’un coucher de soleil sans fin de Floride du Sud. La vision de León de Miami comme espace de fabrication et déconstruction continues est confirmée dans des morceaux qui montrent différentes compétences tout en présentant une vision artistique globale. Cet album montre sa capacité à s’envelopper dans les caractéristiques de chaque style et à regarder à travers vers la vérité ultime de sa mission. (Jan Vranken) (9/10) (Tratratrax)