Chaque semaine, des dizaines de nouveaux albums arrivent à la rédaction de Maxazine. Beaucoup trop pour tous les écouter, et encore moins pour les critiquer. Une critique par jour signifie que trop d’albums restent de côté. Et c’est dommage. C’est pourquoi nous publions aujourd’hui un aperçu des albums qui arrivent à la rédaction sous forme de critiques courtes.
Jess Yaffa – Thoughts That Keep Me Up At Night
Depuis 2018, Jess Yaffa fait son chemin avec des singles et des EP. Maintenant vient enfin le premier album de la chanteuse résidant à New York. Un album qui embrasse l’énergie pure et la vulnérabilité, enveloppé dans une production profonde. Sur “Thoughts That Keep Me Up At Night”, la chanteuse-compositrice de 23 ans transforme des expériences personnelles en hymnes pop-rock captivants. Avec le soutien du lauréat d’un Grammy, Scott Jacoby, Yaffa crée un son à la fois rebelle et profondément introspectif. L’album révèle l’authenticité de Yaffa à travers son approche pratique : non seulement elle écrit sa propre musique, mais elle protège également entièrement sa vision artistique. Le morceau d’ouverture “Too Soon” fait une forte impression avec une conviction musicale directe, notamment grâce à la batterie. De “Suburban Dystopia”, qui rappelle ici et là Joss Stone, à “Will I See You Again”, Yaffa explore les défis de la jeunesse avec une sincérité reconnaissable pour une génération en quête d’identité. Des morceaux comme “In The Key of Chaos” et le plus robuste “Just for One Night” montrent son registre vocal dynamique et sa capacité à capturer des émotions complexes dans des mélodies accrocheuses. Sa musique équilibre parfaitement vulnérabilité et rébellion, donnant lieu à un début qui est plus qu’une simple collection de chansons. Yaffa possède une voix délicieuse, parfois rebelle, parfois douce, qui dans la scène pop-rock n’a pas peur de creuser profondément et d’être honnête. Une promesse tenue. (Norman van den Wildenberg) (7/10) (Pleasant Ridge Records)
Emma Rawicz et Gwilym Simcock – Big Visit
L’inspiration est un phénomène insaisissable. Béni soit l’artiste qui la sent affluer par vagues dans son esprit, mais plus souvent, certaines conditions préalables doivent être remplies pour créer une nouvelle œuvre. L’esprit doit être vide, détaché de l’agitation et des obligations quotidiennes. La saxophoniste londonienne Emma Rawicz et le pianiste Gwilym Simcock ont trouvé calme et espace dans le West-Sussex, loin des big bands et des orchestres avec lesquels les deux travaillent habituellement et pour lesquels ils sont hautement appréciés dans le monde entier. Mais il était temps de faire quelque chose de différent. Comme de nombreux écrivains, poètes et compositeurs ont pu l’expérimenter, le silence de la campagne a eu un effet purificateur. Le résultat est ce “Big Visit” avec six compositions qui, bien que modestes dans leur conception pour saxophone et piano uniquement, sont grandioses dans l’atmosphère décontractée qu’elles évoquent ; des compositions de jazz libre où les notes tourbillonnent et se bousculent comme des enfants qui, sans aucun fardeau ni souci, se défient et abordent un nouveau jeu comme une grande aventure. L’ouverture “His Great Adventure” est bien choisie et conduit l’auditeur plus loin dans un monde plein de souvenirs que Rawicz et Simcock ont mis en musique, caractérisé par un jeu presque frivole. Les deux musiciens ne jouent pas vraiment. Rawicz et Simcock dansent, les deux musiciens se comprenant parfaitement, jusque dans les moindres détails. Car c’est ce qui frappe : l’attention portée même aux plus petites notes – tout est présenté avec le même soin, nulle part la frivolité ne conduit à la négligence. L’art est alors de faire sonner l’ensemble de la manière la plus naturelle, presque la plus facile possible. Le duo y parvient avec brio. Les moments forts sont “The Drumbledrone” (comme on appelle le bourdon dans le sud-ouest de l’Angleterre, le Devon) et “The Shape of a New Sun”, faisant référence à une nouvelle ère pleine d’espoir et implicitement à la candeur que seuls les enfants semblent encore éprouver. Nous entendons la candeur. Nous entendons la liberté. Dansons. (Jeroen Mulder) (8/10) (ACT Music)
Shawn Pittman – My Journey
Né en Oklahoma en 1974, Shawn Pittman est un musicien que l’on peut désormais considérer comme chevronné. Sa carrière musicale l’a mené dans le monde entier. Il a collaboré avec des artistes tels que Double Trouble, Susan Tedeschi, Sam Myers, Anson Funderburgh, Mike Morgan et bien d’autres. Pittman est considéré comme l’un des représentants les plus importants du blues texan moderne. Son premier album solo est sorti en 1998, et récemment, son quinzième album, intitulé “My Journey”, est paru. L’album contient onze morceaux, dont neuf écrits par Pittman lui-même. Il est soutenu par Erkan Özdemir (basse) et son fils Levent Özdemir (batterie). The Texas Horns (Mark ‘Kaz’ Kazanoff et John Mills) fournissent le meilleur des cuivres. On entend Simon Oslender à l’Hammond et Roel Spanjers participe à trois morceaux au piano et à l’accordéon. L’album commence rapidement avec “Until The Time Is Right”, suivi du boogie “Damage Is Done”. Il est très varié et offre alternativement des morceaux rapides et swinguants, du boogie, des ballades et du blues lent. Du début à la fin, cela reste passionnant. Chaque morceau est bien construit et bien exécuté. Il n’y a pas de morceaux faibles. Néanmoins, je mentionnerai encore quelques titres qui méritent une mention spéciale : outre le morceau d’ouverture déjà mentionné “Until The Time Is Right”, également le swinguant “Blame It On Me”, le “That’s What Love Will Make You Do” connu de Little Milton et le titre “My Journey”. Ce dernier est une belle représentation musicale du voyage que Pittman a entrepris au fil des ans. C’est devenu un excellent album – bien écrit, bien exécuté. Un bel exemple de blues moderne, et donc certainement recommandé. (Eric Campfens) (9/10) (Must Have Records / Continental Record Services)
Girlpuppy – Sweetness
Le deuxième album de Becca Harvey en tant que Girlpuppy promet beaucoup mais livre peu. “Sweetness” se présente comme un disque personnellement et textuellement riche, mais se noie dans un mur du son monotone qui commence à ennuyer après seulement trois morceaux. La voix de Harvey, bien que techniquement compétente, manque de caractère et reste coincée dans les mêmes registres émotionnels. Le style de production de type shoegaze semble plus une astuce bon marché pour masquer un manque d’idées musicales qu’un choix artistique conscient. La présence de membres de Beach Fossils et Horse Jumper of Love ne peut sauver ce disque du style de production de solde qui écrase toute nuance potentielle. Des chansons comme “I Just Do!” et “Windows” essaient d’impressionner avec des références à Fleetwood Mac, mais ne dépassent jamais la nostalgie superficielle. La tentative de Harvey de faire un album de traitement personnel finit par être aussi générique que la chanson titre le suggère : douce, mais sans goût, une barbe à papa sonore qui disparaît dès que vous y mordez. Un album plus ennuyeux est difficile à trouver cette année. (Jan Vranken) (4/10) (Captured tracks)
Emily Saunders – Moon Shifts Oceans
La chanteuse et compositrice Emily Saunders n’a en réalité qu’un seul objectif : créer de la musique qui apporte de la joie, comme elle l’a déclaré dans une interview avec le Jazz Journal anglais. C’est une ambition louable qui découle d’une jeunesse difficile au cours de laquelle Saunders, adolescente, a même fui le domicile familial pendant un certain temps. Comme c’est souvent le cas, une jeunesse troublée mène à des prouesses créatives, dont cet album témoigne. “Moon Shifts Oceans” est un album de jazz, bien que Saunders utilise le jazz principalement comme une maison musicale où tout et tout le monde est bienvenu, tant que cela enrichit. Elle le fait intelligemment avec des influences de drum ‘n bass, funk (“Sideways”) et même de reggae (la ligne de basse sous “Rugged Waves”). De plus, la Londonienne a vraiment quelque chose à dire, comme dans “Blue Skies Forever” qui appelle à l’unité parce que nous sommes tous fondamentalement égaux. Dans “Mashup” résonne une condamnation sévère de la division causée par le fait qu’une poignée de riches détermine le sort de beaucoup, généralement des moins privilégiés. Dans l’interview mentionnée précédemment, Saunders affirme qu’elle s’est inspirée de Zappa pour cela. C’est un grand nom que peu osent prononcer et encore moins d’artistes osent se comparer à l’homme qui était synonyme d’innovation musicale. Mais pour être honnête : dans ce cas, ce n’est pas gravement déplacé : les “hooks” dans la mesure atypique auraient effectivement pu figurer sur un album de Zappa. Une autre similitude est que Saunders, comme le grand maître moustachu, garde le contrôle sur l’ensemble du processus créatif ; de l’écriture à la production finale qu’elle réalise également elle-même, sculptant minutieusement chaque couche sur la suivante. Et c’est là que ça se gâte : c’est par moments vraiment trop artificiel et on souhaiterait que les possibilités de réverbération et d’écho dans Pro Tools soient un peu plus limitées. Doser est aussi un art. Un art que Zappa maîtrisait. (Jeroen Mulder) (7/10) (The Mix Sounds)