L’aperçu des nouveaux albums :

Chaque semaine, des dizaines de nouveaux albums arrivent à la rédaction de Maxazine. Beaucoup trop pour tous les écouter, et encore moins pour les chroniquer. Une critique par jour signifie que trop d’albums restent dans l’ombre. Et c’est regrettable. C’est pourquoi nous publions aujourd’hui un aperçu des albums qui arrivent à la rédaction sous forme de critiques concises.

Lucinda Williams – Sings the Beatles from Abbey Road

En vétérane de la musique roots américaine, Lucinda Williams, se remettant d’un accident vasculaire cérébral survenu en 2020, s’aventure dans un pèlerinage à Abbey Road. Le résultat ? Une rencontre intime entre sa voix vécue et le saint répertoire des Beatles. ‘Lucinda Williams Sings the Beatles from Abbey Road’ transforme des mélodies familières en confessions personnelles. Dans ‘Let It Be’, chaque syllabe résonne comme si elle avait d’abord été trempée dans du bourbon et de l’expérience de vie – une hymne qui trouve enfin sa rédemption dans le timbre éraillé de Williams. ‘Something’ de Harrison subit une métamorphose encore plus impressionnante, telle une lettre d’amour écrite dans les petites heures d’une nuit d’insomnie. Si chaque interprétation ne touche pas cette corde magique, l’authenticité de Williams reste intacte, même dans les imperfections. Ce n’est pas un album révolutionnaire, mais plutôt un chaleureux hommage à des chansons intemporelles qui prouvent ici une fois de plus pourquoi elles sont éternelles. Un album comme un verre de vieux whiskey : familier, mais toujours capable de surprendre. (Anton duPont)(6/10)(Highway 20 Records)

Lauren Mayberry – Vicious Creature

À la frontière entre l’électro-indie et la pop pure, Lauren Mayberry émerge tel un papillon quittant enfin sa chrysalide. Avec ‘Vicious Creature’, la chanteuse de Chvrches présente un premier album étonnamment polyvalent qui scintille comme un diamant fraîchement taillé dans la lumière de décembre. Le morceau d’ouverture ‘Something in the Air’ donne immédiatement le ton – une voix cristalline qui se fraye un chemin à travers une forêt de production moderne, où le soprano caractéristique de Mayberry se niche sans effort dans les sonorités raffinées par Dan McDougall. La production est à la pointe de la technologie, mais ce sont les histoires personnelles et les sous-tons féministes qui donnent son âme à l’album. Les douze titres forment ensemble un kaléidoscope de styles, des influences théâtrales de comédie musicale aux incursions pop-punk incisives, tous unis par la voix authentique de Mayberry et sa plume acérée. Sa collaboration avec des producteurs comme McDougall s’avère être un choix judicieux – chaque morceau sonne comme un tube potentiel sans sacrifier l’intégrité artistique. Ce n’est pas une simple escapade solo, mais une déclaration artistique mature qui suggère que l’avenir de Mayberry pourrait bien s’étendre au-delà de Chvrches. Un début impressionnant qui en appelle davantage. (Jan Vranken)(8/10)(Universal)

Emilia Sisco – Introducing Emilia Sisco

Avec “Introducing Emilia Sisco”, cette chanteuse finlandaise présente un album qui flotte entre hommage et exploration prudente du paysage soul et rhythm & blues. La production de Cold Diamond & Mink enveloppe la voix de Sisco dans une chaleur analogique qui nous ramène directement aux jours dorés de la musique soul. Sur des morceaux comme “Don’t Believe You Like That” et “Trouble”, Sisco démontre un talent vocal indéniable, sa voix imprégnée des traditions des grandes figures comme Aretha Franklin et Etta James. La production est magistralement exécutée, avec une texture vintage authentique qui correspond au son Timmion Records. Cependant, là où ces ancêtres musicaux exposaient leur âme dans chaque note, Sisco semble encore chercher sa propre voix. L’ouverture “Say Yes” est exemplaire de l’album dans son ensemble – techniquement impeccable, mais quelque peu réservé dans son abandon émotionnel. C’est comme si nous voyions une artiste qui n’ose pas encore se libérer complètement du carcan de ses influences. Un début prometteur qui laisse présager plus, mais qui n’atteint pas encore sa pleine maturité. (Elodie Renard)(7/10)(Timmion Records)

Nils Frahm – Paris

Dans l’architecture sereine de la Philharmonie de Paris se déploie avec ‘Paris’ un chef-d’œuvre qui cristallise l’évolution artistique de Nils Frahm. Cet album concert, enregistré en mars 2024, est un équilibre délicat entre contemplation et virtuosité, où la chaleur acoustique fusionne avec les paysages sonores électroniques. Tel un alchimiste moderne, Frahm transforme la salle de concert en un laboratoire sonore. L’ouverture à l’harmonica de verre flotte comme une brume éthérée dans l’espace, avant de se fondre dans son travail caractéristique au piano. Il est remarquable de voir comment, dos au public, il crée une expérience intime pour deux mille âmes – un paradoxe qui souligne sa vision artistique. L’album tisse une tapisserie de souvenirs, où des pièces de ‘Some’ et ‘Spells’ se fondent parfaitement avec ‘Opera’, peut-être le morceau le plus passionnant de cet album. Chaque œuvre subit une métamorphose entre ses mains, comme si les partitions étaient des organismes vivants s’adaptant au moment présent. Un album qui témoigne d’un artiste au sommet de son art. Pas de la musique pop, mais du quinoa pour l’âme. (Jan Vranken)(9/10)(Leiter)

Kitschkrieg – German Engineering Zwei

Dans le sillage de la perfection allemande, le collectif de producteurs KitschKrieg livre un voyage raffiné au cœur de la scène trap américaine. Ce nouvel album est une fusion délicate entre la finesse électronique européenne et l’énergie brute du paysage musical d’Atlanta. Alors que leur travail précédent se caractérisait par une collection éclectique de collaborations, cet album présente une vision plus ciblée. Les producteurs Fiji Kris et Fizzle tissent un paysage sonore cohérent où les meilleurs artistes d’Atlanta se sentent chez eux. Dans la musique, il n’existe pas de murs Trump. De la mélancolie caractéristique auto-tunée de Future aux vocaux éthérés de Mariah The Scientist sur ‘Too Fast’ – chaque morceau apparaît comme une rencontre soigneusement calibrée, avec une précision allemande, entre deux mondes. La production est cristalline, les collaborations sont réfléchies, et l’équilibre entre innovation et accessibilité est remarquable. Quelques morceaux auraient pu avoir plus de mordant, mais l’exécution globale est impressionnante. La grundlichkeit allemande. (Elodie Renard)(8/10)(Soulface records GMBH)