Jalen Ngonda s’est déjà fait un nom sur scène. On ne voit plus cela très souvent, et c’est souvent un signe de qualité de l’artiste. Montreux Jazz Festival, Newport Festival, salles à guichets fermés en Europe. Ngonda est l’un de ces artistes qui font parler d’eux. Il faut le voir ! et tout cela avant même qu’il n’ait sorti son premier album.
Jalen a grandi dans la banlieue de Washington DC, en écoutant la collection de vinyles de son père, qui comprenait principalement de la Motown. Jalen apprend à jouer de divers instruments, mais se spécialise dans le clavier à l’église. Son talent musical est remarqué et il poursuit des études de musique à l’Institut des arts du spectacle de Liverpool, financées par son église. Outre son jeu de clavier, il a développé une belle voix de chant avec un falsetto que l’on n’avait pas entendu depuis longtemps.
Quelques années plus tard, le hasard a souri à Jalen. Il joue en première partie de Jools Holland lorsque Neal Sugarman, l’un des pères fondateurs du légendaire label Daptone, se trouve dans la salle. Sugarman ne vous trompera pas lorsqu’il s’agit du meilleur de la soul, du funk et du jazz. Daptone est le label de Sharon Jones, Charles Bradley, Antibalas et du Budos Band. Vous pourriez faire pire.
Son premier album ” Cone around and Love me ” est sorti récemment. Jalen décrit lui-même l’album comme de la ” soul moderne et du R&B, parqués entre la musique des Beach Boys et des Beatles “. C’est une belle description, même si je n’ai pas la même idée de la soul “moderne”. L’album est un excellent exemple de la façon dont la soul rétro peut sonner très moderne, surtout grâce à une production de haute qualité et à des idées contemporaines en matière d’arrangements, mais cela n’en fait pas de la soul “moderne”. C’est sur cette note que s’achève la critique. Cet album est devenu un grand classique ! Lorsqu’on l’écoute pour la première fois, il sonne déjà bien, mais il fait partie de ces albums que l’on écoute en permanence dans la voiture sans s’en rendre compte, que l’on met avant de commencer à cuisiner et que l’on peut laisser en arrière-plan tard dans la nuit, au lit.
En termes de feeling, l’album se rapproche de “What’s Going On” de Marvin Gaye. Et ce n’est pas une mince comparaison. Bien sûr, le chef-d’œuvre de Gaye est devenu ce qu’il est grâce à sa place dans l’histoire, ce qui n’est pas le cas de Ngonda, mais d’un point de vue qualitatif, les deux albums peuvent tout à fait se côtoyer sans que l’un ne fasse honte à l’autre.
Vince Chiarto joue de la basse et a produit l’album pour Sugarman & Roth, ce qui vous donne une bonne idée du son de l’album. Vince joue dans Ikebe Shakedown, le groupe spectaculaire qui mêle harmonieusement afro-beat et Motown Soul, l’homme qui a également collaboré avec Adrian Quesada de Black Puma sur le chef-d’œuvre ‘Spirits’. Mike Buckley a participé à la production et aux arrangements qui sont vraiment d’un autre ordre. Buckley a également fait son chemin dans la première ligue de soul et de jazz contemporains avec des artistes comme Lee Fields et Ikebe Shakedown.
Le morceau d’ouverture “Come around and Love me” place d’emblée la barre très haut. Écoutez ce glockenspiel, il est bien dans le groove. Les magnifiques chœurs de Saundra Williams, entre autres, que nous connaissons toujours de Sharon Jones et qui tourne maintenant avec Mavis Staples.
That’s all I wanted from You’ est également un exercice vocal auquel il faut dire ‘U’. Ce falsetto aux accents rugueux donne la chair de poule. Un refrain porté par un arrangement de cordes sobre mais efficace. Délicieux.
Il n’y a vraiment aucun moment faible sur cet album. What a Difference she Made’ est l’une des plus belles ballades que j’ai entendues. Vocalement, Ngonda atteint des sommets de solitude et rivalise avec tous les artistes de soul grâce à cet album. Daptone fait jouer ses muscles en mettant tous les super-pouvoirs de son écurie à la disposition de cette production. Daptone a réalisé de nombreuses productions de haut niveau, mais celle-ci est, à son avis, la meilleure qu’ils aient réalisée jusqu’à présent. Synergie, un plus un font trois.
Come around and love Me” est un album d’une qualité sublime. Il est unique en termes de production, d’arrangements, de voix et d’intensité. Il ne s’agit pas d’un album novateur, mais il fait mouche lorsqu’on le compare aux autres productions de premier plan qui ont vu le jour ces trois dernières années dans le cadre du renouveau de la soul. En ce sens, cet album est d’une importance capitale.
Un chef-d’œuvre, en d’autres termes. La question de savoir s’il a une valeur éternelle se posera plus tard.
(9/10) (Daptone)